[VS1] Ca s'assombrit...

« Choisis de t'engager sur les chemins de l'aventure plutôt que de suivre le troupeau dans la plaine. Je ne parle pas seulement des sentiers qui bordent les précipices ou des routes qui traversent la zone sinistrée, mais également des voies de la destinée. Elles t'entraineront dans les recoins les plus noirs de ton âme, là où tu rencontreras tes pires adversaires, là où tu puiseras la force de survivre dans ta haine et ton dégoût de toi même »


L'annonce de la reprise des hostilités datait d'à peine deux mois et la forge n'avait jamais craché autant de fumée. Son oncle et sa tante leur rendaient de fréquentes visites, approvisionnant en minerais ses parents, qui quittaient rarement leurs outils. La guerre faisait rage en Terre sacrée, et tous semblaient s'en réjouir : l'occasion de prendre une revanche pour la mort de tel ou tel parent, le pillage de telle ou telle ferme, l'assassinat de telle ou telle famille (plus souvent dû à une attaque de Démons Astraux mais imputé par facilité à l'ennemi). Sa petite soeur de 17 ans ainsi que son frère aîné avaient enfilé leurs armures respectives et s'étaient embarqués pour le premier navire en direction de la capitale, afin d'être les premiers envoyés au front.

Mais pas elle.

Elle n'aimait pas la guerre. Elle prônait le pacifisme avec ferveur. Elle avait toujours refusé de tenir une épée et n'avait jamais été la partenaire d'entrainement de son bretteur de frère. Elle ne s'investissait pas non plus dans l'entreprise familiale et n'aimait pas poser ses grands yeux clairs sur les fabrications métallisées de ses parents.


Mais aujourd'hui, le coursier apportait les premières nouvelles du front, et malgré toutes ses idées pacifiques, elle n'en était pas moins impatiente de savoir ! Évidemment les nouvelles n'étaient pas bonnes, évidemment qu'ils avaient été blessés, tous les deux, et que le moral des troupes n'était pas au beau fixe. Évidemment qu'il y avait des morts, évidemment que l'ennemi les prenaient en traitre. Évidemment qu'il ne se passait pas un jour sans embuscades et pièges, haine, violence et sang. La guerre pour revanche, mais appelant une nouvelle vengeance chaque jour.


La nuit suivante fut longue et sans sommeil. Les couleurs mordorées de l'Astral n'apaisaient pas sa conscience : ses beaux principes la maintenaient éloignée de tout conflit tandis que son frère, sa soeur, et de nombreux autres se faisaient estropier. En quoi était-elle si différente pour mériter d'être tenue à l'écart de telles horreurs ? Pourquoi elle, élevée par les mêmes parents, dans le même village, sur la même terre, aurait-elle le droit de vivre loin de cette sanglante réalité alors que sa jeune soeur l'affrontait tous les jours.

En une seule nuit, ses illusions s'étaient effondrées, ses principes ne la protégeaient plus. Le jour de leur départ, il y a deux mois, elle n'avait pas tant réfléchi, elle n'avait jamais envisagé de les accompagner ! Pourtant aujourd'hui, elle avait mauvaise conscience de ne pas faire partie des soldats de la Ligue. Elle se sentait trahie, et seule responsable de cette trahison : comment avait-elle pu imaginer que la paix n'était qu'une question de croyance et de bon vouloir du Peuple ?


Le lendemain, son père la trouvait à la forge, s'entrainant avec une de ces lames qu'il avait ébauché la veille. La jeune femme avait les yeux rougis et le teint cireux, résultat de sa nuit blanche noyée de larmes d'indécision. D'un air satisfait, l'homme ne posa aucune question et s'attaqua, comme chaque matin, à son travail.

En quelques jours, un silence nouveau régnait dans la maison. Fiers de ce revirement, ses parents n'osaient la déranger dans ses entrainements si ce n'était pour lui fournir un adversaire, et les progrès de la jeune fille étaient fulgurants. « L'avantage, rechignait-elle à penser, d'avoir été plongée dedans depuis l'enfance ». A raison d'une dizaine d'heures d'entrainement par jour, il lui fallu un mois pour gagner en musculature et un nouveau mois pour maitriser les techniques d'un véritable Guerrier. Durant ce dernier mois, une nouvelle lettre parvint à la forge, annonçant le décès de sa soeur. Larmes, rancoeur, haine, ces sentiments se mêlaient à sa lame et ses coups se faisaient toujours plus furieux et meurtriers, pour la plus grande satisfaction de ses parents et, à son plus grand dégoût, la sienne. Plus elle gagnait en puissance, plus elle y prenait plaisir, et plus elle s'écoeurait.


Cinq mois après la reprise des hostilités, elle était à bord d'un navire en direction de la Terre sacrée. Prête à en découdre avec l'ennemi, ses yeux assombris derrière son casque portaient sur l'Astral un regard haineux : s'il fallait que ce soit la faute de quelqu'un, ce serait la sienne, il serait responsable de cette obligation à aller combattre. Il serait celui qui avait distillé la violence dans son âme, la privant des bonheurs simples d'une vie paisible. Elle ne savait pas à qui d'autre imputer ce nouvel état d'esprit, et refusait d'en être la seule responsable. Elle avait le sentiment que sa vie venait de prendre fin, que désormais débutait sa survie...

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