[VS1] Tout est dans le dressage

"Choisis de t'engager sur les chemins de l'aventure plutôt que de suivre le troupeau dans la
plaine. Je ne parle pas seulement des sentiers qui bordent les
précipices ou des routes qui traversent la zone sinistre, mais
également des voies de la destinée.

Elles t'entraineront dans les recoins les plus noirs de ton âme, là où tu rencontreras tes pires
adversaires, là où tu puiseras la force de survivre dans ta haine
et ton dégoût de toi-même."

 

Un petit rire étranglé et sans joie s'échappa de ses lèvres. Ses yeux quittèrent la tablette et parcoururent le décor qui l'entourait, lentement, tournant sur elle même pour n'en perdre aucun détail et apprécier la mise en scène. Un allod perdu au milieu de l'astral, proche d'y retourner, englouti. A sa droite d'immenses crocs astraux envahis de démons qui se délectaient déjà du festin et de la victoire à venir. A sa gauche une armée de morts levée par une gamine, orc et mégalomane, comme si une seule de ces tares ne suffisait pas à provoquer des cataclysmes et qu'il fallait les regrouper dans un même corps pour cette occasion... Et elle... elle perdue au sommet d'un mont enneigé et battu par les vents, le froid, le silence et le blanc aseptisé omniprésents à en devenir étouffants.

 

Nouveau rire, ressemblant plus à un hoquet qu'à autre chose.

Quelle triste ironie, quelle magnifique mise en scène.

Quel ramassis d'inepties.

Quel abruti a bien pu écrire une merde pareille?

 

Un jeune, très certainement... il fallait être jeune, stupide et ne rien connaitre à la guerre pour raconter ça et vouloir le graver dans la pierre en pensant avec orgueil à tous ceux qui le liraient. Ou un vieillard impotent, coincé dans corps transformé en ruine, en compagnie permanente d'une matrone lui reprochant de n’avoir rien fait de sa vie, et qui aurait lavé le cerveau d’un môme pour l’envoyer déposer ici sa plus belle citation. Dans tous les cas, un idiot en mal de reconnaissance et d’héroïsme, qui pensait mériter mieux qu’une vie tranquille et entourée. La solitude des grands hommes, les médailles, les légendes… Parce qu’il est bien connu qu’un héros n’a que faire d’une famille et d’amis en fardeau. Pauvre idiot.

 

Elle en était à s’imaginer quel genre de mort l’auteur avait pu avoir, commençant même à chercher du regard un cadavre prisonnier des glaces à proximité, quand un reniflement et un claquement de dents de son familier la ramenèrent à des préoccupations plus terre à terre : quelqu’un approchait. Sans un bruit, intimant à son hellion de faire de même, elle se retira dans une crevasse et attendit en silence. L’attente ne fut pas longue, et elle esquissa un sourire cruel en voyant approcher l’orc solitaire.

 

Choisis de t'engager sur les chemins de l'aventure plutôt que de suivre le troupeau dans la plaine… là où tu rencontreras tes pires adversaires…

 

Mais celui là risquait fort de ne pas trouver la force de survivre. Toujours souriante, toujours cruelle et toujours en silence, elle entrouvrit la main et souffla en direction du mouton égaré les pires maux dont elle avait le secret. Elle les observa s’insinuer lentement, se développer jusqu’à envahir tout son être, que les premiers symptômes apparaissent et que la bête prenne enfin, mais trop tard, conscience d’un problème. Quand son visiteur s’affala, la respiration sifflante, le regard hagard, la démoniste daigna enfin sortir de sa cache et s’approcha, moqueuse.

 

« Si seulement la haine était l’antidote à tout décrit par la tablette… »

 

L’orc se contenta de la regarder en silence, tremblant certainement autant de rage que de fièvre. Elle dégagea son épée d’un coup de pied, par précaution, et désigna la tablette dans la neige d’un mouvement de la tête.

 

« Que venez vous faire dans un endroit aussi paumé ? Etes-vous là pour elle ? »

 

Nouveau silence. La bouche de l’orc se tordit en un sourire proche de la grimace et laissa échapper un son étrange, mélange de rire et de quinte de toux.

 

« Tu ressembles beaucoup à la page centrale du dernier numéro de « Oreilles pointues », putain elfique ! C’est comme ça que vous arrondissez votre solde dans l’armée de la ligue ? »

 

Mauvaise réponse.

Elle l’observa quelques instants s’esclaffer de sa brillante répartie entre deux quintes de toux. Pouvait-elle obtenir mieux de cet animal ? Peut être… la torture était capable de bien des miracles, même sur un orc stupide (Que Tensess pardonne ce pléonasme). En avait-elle seulement envie ? Non.

 

« Tache de ne pas t’étouffer avec les phalanges, cette fois… »

 

D’un claquement de doigt, elle désigna l’orc affalé et retourna sans plus un regard en arrière étudier la tablette. Un couinement ravi lui répondit, et l’orc s’arrêta enfin de ricaner pour regarder l’hellion s’approcher en sautillant, renifler la conserve gémissante et tremblante à la recherche d’une ouverture et se rabattre sur la seule accessible en commençant à mâchouiller un morceau de nez.

 

« En silence… »

 

Les hurlements firent rapidement place aux gargouillis d’une gorge désormais inapte à tout autre son et aux bruits de mastication, la laissant enfin réfléchir en paix.

 

Et si la tablette n’était pas là par hasard ?

Un vieil adage lui revint en mémoire, « diviser pour mieux régner ». Une manœuvre des impériaux ? Ca leur ressemblerait. … De Tep ? Ce serait plus problématique.

 

Elle haussa les épaules, de toutes façons elle n’était pas là pour réfléchir à la question, la maison de Desirae s’en chargerait et tirerait ses propres conclusion, quelque avis qu’elle puisse avoir.

Va chercher le « quelque chose d’inhabituel » dans un coin perdu de l’astral, rapporte à maman Margarita, donne la papatte, fais la belle… bon chien.

Peut être même qu’elle aurait droit à un sussucre cette fois…

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